Revue de presse « MOUsSON – nouvelle saison »

Avignon 2017

Agoravox – Orélien Péréol
MOUsSON est un spectacle sur et par le geste musical qui crée la musique… Son titre MOUsSON seraitune concaténation des mots mouvement et son. La Mousson, l’Asie… y sont bien présents aussi, comme un fil narratif ténu. Cependant, je vois surtout la théâtralisation du geste musical, j’entends surtout que la musique naît des gestes, ce que nous savons tous et oublions aussitôt pour ne faire qu’écouter les sons. Ici, le geste prend beauté et amplitude, jusqu’à devenir danse parfois. Chacun se raconte l’histoire qu’il souhaite, ou aucune histoire, s’il préfère, comme pour toute pièce musicale.
Au début, trois îles, posées sur une nappe bleue comme la mer, trois îles qui semblent flotter comme des feuilles de nénuphar… à jardin, trois uluberlus fringués de jaune comme des cosmonautes de carnaval ou des ouvriers en goguette sur un chantier agitent leurs abatis par des gestes saccadés qui font résonner des petits cris d’oiseaux, qui créent des sons issus de flûtes d’un orgue aquatique… cela monte doucement, jusqu’à devenir une danse endiablée… puis des bateaux, bruitant ferme, tanguant à l’excès font un tour comme sur un manège, une promenade sonore… Il n’est guère possible de se souvenir de la succession de tous ces moments comme les danses d’une suite classique tellement ils sont divers. La singularité des instruments et l’ingéniosité de leur construction est un plaisir sans cesse renouvelé. Dans ce spectacle plastique, d’une très grande beauté douce, on trouve, (dit dans le désordre), des cesse renouvelé.
Des crayons géants de toutes les couleurs, des rhombes (le rhombe, vous avez le droit de ne pas savoir ce que c’est, est une sorte de sifflet au bout d’une ficelle ; on ne souffle pas dedans, il siffle quand on le fait tourner comme une fronde, ce n’est pas l’air que vous déplacez pour obtenir le son, c’est le sifflet qui se déplace dans l’air immobile),des roues à graines, lentes, des chapeaux chinois rotatifs, une sorte de xylophone bâti comme un chemin de fer, rails de cordes et traverses de bois sonore…Mousson avait été créé il y a 20 ans. Ce spectacle connut une belle destinée, de longues tournées dansde nombreux pays, moult aventures qui mériteraient un récit en elles-mêmes… Les auteurs ont souhaité fêter cet anniversaire en recréant Mousson, comme on reprend et relit un classique et c’est Avignon qui recevra ce deuxième baptême et le lancement de la nouvelle saison de MOUsSON.
Souhaitons-leur un long et riche périple dans les eux et les oreilles de quatre coins de la Terre
La vie
Déluge d’objets créateurs
Derrière la gare d’Avignon, entre deux immeubles, au fond d’une cour : l’Entrepôt. Un entrepôt ? Oui, une salle où l’on stock des choses anciennes ou neuves, pour un usage futur. Mais à Avignon, s’y entreposent parfois des objets mystérieux…
C’est à un théâtre de l’objet sonore que nous convient les trois acteurs de « MOUsSON », au théâtre de l’Entrepôt. Une pièce merveilleuse, de MOU-vements et de SON-norités, de l’objet musical en mouvement. L’objet y est toujours instrument, utile ou futile, producteur de son, d’espace et de lumière. Il raconte, tisse des univers, invente d’improbables lieux. On l’habite, on en joue, on le découvre.
MOUsSON, s’ouvre par la saison des pluies. Sur scène, dès notre arrivée, trois personnages, vêtus d’une étrange combinaison imperméable jaune à multiples pistons, écoutent tomber depuis des mâts recourbés, quelques gouttes d’eau. Au centre de l’espace, trois îles sur le bleu de la mer. L’eau produit une musique rythmée sur les objets qu’elle frappe et couine dans les pistons quand les corps se déplacent.
Progressivement, des objets des plus insolites animent l’espace et offrent de nouveaux imaginaires. Pluies, tempêtes et tremblement de terre laissent place au son d’une invasion de moustiques quand les trois comédiens se mettent à agiter un curieux archet poly-directionnel. Une symphonie éclate quand ensemble ils jouent d’un orgue aquatique comme on agite un pilon dans un mortier. Et, dans un crescendo qui emplit tout l’espace, se succèdent une étrange partie de croquet sonore, une danse de toupies suspendues à des trépieds élancés et le sifflement de lanternes géantes qui plient sous la pression des acteurs qu’elles renferment. L’ingéniosité de ces objets sonores, animés avec poésie et dextérité, émerveille. Et chacun des mouvements qui leur sont appliqués, crée un univers spatial et sonore, tout entier fait de vibrations et d’harmoniques. L’imaginaire s’ouvre ; chez chacun différent, mais écho toujours évident de cette belle performance.
Une oeuvre fine de Dominique Montain, composée d’objets inédits et vivants, qui trahissent les talents de luthier d’Henri Ogier et Quentin Ogier, leurs concepteurs.
Oui, à l’Entrepôt, le geste et l’instrument sont créateurs.
 LA CHRONIQUE  CULTURE – Odile Cougoule
« Mousson est un spectacle sensoriel qui convoque les yeux, l’ouïe et presque le toucher tant l’eau, le vent, les éléments semblent nous attraper. L’eau d’abord qui goûte imperturbablement sans déranger les acteurs en cirés jaune assis l’un derrière l’autre côté jardin… Dès cette première image, le ton  est donné : l’insolite, le ludique, le décalé vont porter cette aventure à laquelle nous sommes conviés. Sur le plateau 3 acteurs – danseurs et des objets en nombres qui vont se révéler sonores au cours du spectacle. L’imaginaire des uns et des autres pourra à sa guise développer son propre récit au fil d’une histoire qui sans en avoir l’air témoigne d’une époque qui elle a  l’air bien vraie … Mousson nous fait tourner la tête ….. vers l’Est vers le pays du soleil levant,  ce pays de bambous, de tempêtes, de mer et de vent. C’est son histoire qui nous est contée sa décolonisation et son évolution à travers un déferlement d’images et de sonorités toutes aussi inouïes les unes que les autres; que dire des bateaux au souffle décoiffant, des tuyaux qui sifflent, du mikado en métal, des lanternes élastiques … L’inventivité est là, profuse et  débordante. De scènes en scènes elle apporte son lot de oh et de ah…
Le spectacle Mousson a vingt ans ! Toujours aussi beau toujours aussi intéressant. »
Interprètes : Brenda Clark, Markus Schmid, Quentin Ogier
  LE THEATRE COTE CŒUR
« MOUsSON – SYMPHONIE DE CRÉATIVITÉ
Il y a 20 ans le compagnie Au cul du Loup créait MOUSSON. Le spectacle a été entièrement repensé et recréé pour le Festival Off 2017. La phrase de Louis Jouvet qui est la devise de ce blog n’a jamais été aussi adaptée. Bien sûr il y a un message dans ce théâtre d’objet, mais avant d’en chercher le sens il faut se laisser porter par l’univers qui s’offre à nous.
Les trois maîtres d’oeuvre de ce petit bijou nous proposent une symphonie de créativité et d’inventivité dans un hommage à l’Asie. Des objets simples (coupelles, bambous, paniers vapeur, tubes en métal, etc.) deviennent instruments de musique tout aussi étonnants qu’improbables. Sur cette île asiatique soumise aux aléas de la nature, la pluie est rafraîchissante quand elle n’est pas orage, le chant des oiseaux est poésie, les lucioles dansent au bal, les cloches résonnent avec harmonie, les lampions sont féerie, le vent est musique. Un brin de folie brille dans le regard taquin et malicieux des artistes. Je n’ai pas compté le nombre d’instruments de musique différents et de fabrication maison qui sont mis en oeuvre. Je me suis juste laissé porter par ce moment magique, un peu hors du temps, un pur moment de beauté.

MOUsSON, de Dominique Montain, Henri Ogier, Quentin Ogier, avec Brenda Clark, Markus Schmid, Quentin Ogier, re-mise en scène, réadaptation Quentin Ogier, composition musicale Dominique Montain, création lumière Yves-Marie Corfa, création sonore Davis Lesser.
En bref : un petit bijou de théâtre d’objet. Une symphonie de créativité visuelle et sonore. Coup de coeur.

Scèneweb.fr

Il y a 20 ans, Dominique Montain, Henri Ogier, Quentin Ogier créaient MOUsSON, et avec le langage nouveau d’un théâtre d’objets inédit entre émerveillements sonores et visuels. Heureux celles et ceux qui furent initiés alors à cette expérience rare… un voyage au bout du monde à la beauté brute et facétieuse.
Longtemps MOUsSON a couru les routes, et pour son anniversaire, l’envie farouche est née, en particulier pour Quentin Ogier, de revisiter ce « classique » ; l’explorer depuis aujourd’hui sans pour autant dénaturer l’âme de cette parenthèse unique, quelque part en Asie.
Dans une contrée asiatique lointaine balayée, bouleversée par des violences climatiques dont l’industrialisation est sans doute le nom, 3 personnages tentent l’humour et la ténacité pour résister et vivre.
MOUsSON raconte les basculements du 20e sie cle, la fin de la colonisation, la fin du monde rural, l’économie a marche forcée qui changea le visage du monde en général, de l’Asie en particulier. Rien ici n’est souligné́,expliqué. Chacun est libre de voir, et de se raconter ce qu’il souhaite mais les résonances au sens propre et figuré sont pour chacun de nous multiples, uniques. Au bout du conte on embarque tous pour ce voyage façonné pardes objets simples et qui se révèlent magiques. Étrangement beau… et facétieux !
LA GRANDE PARADE – Julie Cadilhac
Il y a 20 ans, Dominique Montain, Henri Ogier, Quentin Ogier créaient Mousson. La compagnie a eu envie de revisiter Mousson et de lui offrir une nouvelle saison. Qu’y découvre-t-on ? Une Asie fantasmée et ses bouleversements : les basculements du 20ème siècle, la fin de la colonisation, la fin du monde rural, l’industrialisation à marche forcée. Y évoluent trois personnages dont la présence, en suspension, se mêlent à la poésie des objets sonores qu’ils manipulent. Le spectateur est invité à voyager en leur compagnie dans l’espace et dans le temps… Un voyage sonore étonnant, non dénué d’humour, dans lequel l’absurde s’invite pour laisser davantage de liberté encore à l’interprétation.
Bâche bleue en guise de mer. Une île ou plusieurs. Bruit des gouttes d’eau qui percutent de petites caisses. Cirés jaunes articulés puis tuniques bleues col Mao. Mains, visages, pieds plongés dans l’eau. Chaleur étouffante. Jonques dérivant sur le fleuve : ça tangue ! Sur les tamis, l’eau éclabousse et des visages de lunes tentent ensuite de percer avant de se métamorphoser en dôulis sautillants. Sable qui glisse entre les doigts, sabre de Jedi à la puissance du vent. Lucioles en éventail. Attention aux mouches insupportables ! Jeu de quilles musicales. Fascination devant la femme au pont flottant, proue aux bras tendus vers un avenir meilleur… et puis rails de voie ferrée pour s’en aller. Chaînes qui pendent au cou mais, sur la pointe des pieds on s’élève quand même. Trépieds de bois aux toupies hypnotiques. Cylindres plastiques orageux. Cabanes-bulles dans lesquelles l’on étouffe.
Le travail de Brenda Clark, Markus Schmid et Quentin Ogier séduit car il choisit de nous raconter l’histoire vécue au quotidien par le truchement d’un phénomène climatique spécifique. Invitation à ressentir avec la peau, l ‘ouïe et la vue des sensations par le biais d’objets sonores fascinants, de jeux d’ombres et de lumière propices au décollage de l’imaginaire.
Un très bel objet de théâtre musical.

 

 L’HUMANITE – Gérald Rossi
Les bruits du dérèglement du monde
« Des personnages peu communs qui amusent autant qu’ils donnent à penser sur le devenir de la planète.
Créé il y a vingt ans par Dominique Montain, Henri Ogier, Quentin Ogier, ce conte musical, très visuel et presque sans parole revient avec Brenda Clark, Markus Schmid et Quentin Ogier. Dans une gestuelle parfois ralentie et intelligemment maîtrisée, comme un ballet, dans laquelle les jeux d’eau ont une partie étonnante, le thème central est plus actuel que jamais, puisqu’il s’agit « des basculements du XX siècle, de l’industrialisation à marche forcée, de la fin de la colonisation… » et de tous les dérèglements que l’on imagine, particulièrement climatiques. Des costumes s’échappent des sonorités les plus surprenantes, puis de curieux instruments prennent le relais, et la surprise est réelle. L’ensemble retient l’attention en mobilisant les yeux et les oreilles avec humour. »

 

LE BRUIT DU OFF – Aude Maireau
C’est à une renaissance que nous assistons avec « Mousson ». D’abord la renaissance d’un spectacle de théatre d’objets créé il y a 20 ans par Quentin Ogier – aujourd’hui encore présent sur scène, avec ses parents. Mais aussi renaissance de la matière, sonore et visuelle, à travers un voyage entre des objets et des instruments en permanence réinventés et détournés.
La trame originelle de l’histoire – ici le bouleversement engendré par l’industrialisation excessive et le dérèglement climatique dans un contrée asiatique lointaine, apparait en filigrane. Au risque de dérouter, elle devient secondaire, mais pour laisser place avant tout à une effervescence de mouvements toujours reliés à des sons novateurs, issus d’instruments jamais vus, allant de la roue à graine au tango néon bandonéon.
Cette chorégraphie gestuelle et rythmique ouvre un champ des possibles à la fois imaginaire, narratif, artistique, qui, en reliant danse, mime, musique et chant, abolit les frontières entre les disciplines et invente comme une nouvelle forme esthétique. Là où le scénario raconte la destruction d’un territoire, le plateau reconstruit un autre espace, à travers des personnages joueurs ou combattants, mais toujours avides de vibrations. Un bel anniversaire à la compagnie au nom lui aussi inventif : Le cul du loup !

 

 QVLP – Sheila Vidal-Louinet
“Mousson” ou les inventeurs d’un beau langage…
Entre bruitages et effets sonores, le metteur en scène Quentin Ogier explore une Asie fantasmée à travers une langue qu’il réinvente. Allant de la cacophonie à l’harmonie (et inversement), trois facétieux personnages jouent les explorateurs et nous entraînent dans un voyage “singulier et polysémique”. Ce spectacle tout public est encore pour quelques représentations à l’Entrepôt.
Il paraît que Mousson raconte “les basculements du 20ème siècle […], l’industrialisation à marche forcée”. Mais après tout comme rien dans ce spectacle n’est explicite, on y met les mots et le sens que l’on veut. Entre destruction des sons, des corps, des voix et ses tentatives de reconstruction, on assiste à la
naissance d’un nouveau langage en même temps que ces originaux explorent des instruments improbables composés d’objets les plus insolites (faits d’un bric-à-brac de bois, de métal et de matières organiques) dans une maîtrise chorégraphique impeccable. A écouter ces trois étonnants essayistes, on se demande qui régit les lois de l’univers… Ces explorateurs d’hier et d’aujourd’hui, ces chercheurs de pépites sonores et visuelles, ces farceurs bien facétieux ne
ressembleraient-ils pas à des sortes de Deus ex Machina, là pour tirer les ficelles de l’Univers et du destin
du monde ? Notre monde, trop souvent défiguré, oblige à nous interroger sur le sens qu’on peut encore
donner aux choses et aux êtres. Dans cette crise de la conscience, ne sommes-nous pas tenus de réinventer jusqu’à son langage ? Avons-nous d’autre choix que revenir aux sources ? Sur un final très shakespearien, c’est en tout cas ce que semblent nous raconter MOUsSON.

 

Nouvelle Mousson après la pluie d’éloges dont a déjà bénéficié le spectacle depuis sa création il y a vingt ans !
Alors que Mousson racontait les bouleversements du XXe siècle dans une Asie entrant de plain-pied dans l’industrialisation, voici un remake qui ne manquera pas de résonner : qu’en est-il des peuples et du monde rural aujourd’hui, que provoquent les désordres climatiques qui changent le visage de nos
continents ? Toute la singularité du spectacle se niche dans cette infime osmose entre le mouvement, la musique, la mise en scène et la manipulation d’objets. Nul besoin de texte pour appuyer le propos tant cet univers est fort de toutes ses composantes. Les images produites activent la sensibilité du spectateur en jouant sur l’interaction totale entre les arts. Sans quitter l’esprit du spectacle et la narration première, la recréation de Mousson, à l’aune des techniques actuelles du son et de la lumière, promet un voyage toujours fortement dépaysant. N. Yokel